Le méga-projet de centrale à biomasse de Gardanne soulève
beaucoup d’inquiétudes en raison de ses conséquences sur la forêt régionale et
d’éventuelles pollutions. Il s’agit d’une énorme chaudière de 150 MW qui
remplacerait l’unité 4 de la centrale actuelle à charbon (unité de 250 MW
arrêtée depuis quelques mois, car trop polluante selon la réglementation
européenne). Cette centrale brûlerait les bois et résidus forestiers de toute
la région au sens large (environ 800 000 tonnes de bois par an, soit 1 million
de m3, ramassage sur une zone de 400 km, ce qui implique la circulation de
plusieurs centaines de camions chaque jour).
Au premier abord, le projet est séduisant, puisqu’il s’agit
de mieux utiliser une forêt provençale insuffisamment exploitée (peu savent que
le Var, par exemple, possède la 3ème forêt de France après les Vosges et les
Landes). Il crée aussi des emplois sur le site de Gardanne et permet de
renforcer l’indépendance énergétique de la région (même si, pendant 10 ans, 30 à 50% du bois utilisé comme combustible viendra de destinations lointaines
comme le Canada ou l’Afrique du Sud). Cet investissement contribuera en théorie
à améliorer le bilan CO2 régional de 600 000 tonnes par an.
C’est pourquoi une autorisation a été donnée fin 2012 par le
Ministère du Redressement Productif à l’exploitant E.ON, à la suite d’un appel
d’offres biomasse plutôt envisagé au départ pour des unités plus réduites (20 à
40 MW, comme la centrale de Brignoles ou la chaufferie urbaine en projet à
Aix-en-Provence). Il s’agit donc d’un coup parti, et un investissement de 230
millions d’euros est d’ores et déjà engagé sur le site.
Cependant, le projet est jugé néfaste par différents élus et
associations, qui ont introduit des recours (notamment sur la faiblesse de
l’enquête publique). La procédure a été très discrète et les règles
d’information n’auraient pas été totalement respectées. Ce projet risque du
fait de sa taille d’assécher la ressource bois (et d’élever les prix) pour les
multiples petits projets bioénergies de taille plus raisonnable et pour la
filière « pâte à papier » (usine de Tarascon). Il peut aussi conduire à une
exploitation très intensive de la forêt, pour des raisons de rentabilité
(coupes à blanc etc.). Enfin certains opposants mettent en avant le risque de
pollution aux abords de la centrale, notamment si des bois traités, mélaminés
ou déchets du BTP sont brûlés (écoles et habitat dans la proximité immédiate du
site). Bref, le projet est parfois dénoncé comme un « grand incinérateur caché ».
Pour E.ON, il s’agit, pour ce qui concerne la région,
d’utiliser surtout les résidus de débroussaillage, ce qui serait donc plutôt
utile. A terme, des parcelles à croissance rapide seraient consacrées à la
production de bois combustible, par exemple dans les délaissés de la Durance.
Pour ce qui concerne les végétaux venant du débroussaillement et de l’entretien
des forêts (quelques m3 par hectare), la mobilisation sera plus difficile et
plus coûteuse. De plus, en Provence, il est important de restituer au sol ce
qui a pu y pousser et donc de laisser sur place, dans les espaces
débroussaillés, les résidus de broyage. Cela aide à constituer un humus,
presque toujours insuffisant dans nos climats.
Lors de son CA du 21 janvier, l’ASV a adopté une position
prudente, en souhaitant rassembler davantage d’éléments objectifs (création
nette d’emplois, études d’impact liées au paysage, à la biodiversité, au trafic
et à la pollution, bilan carbone), actuellement non disponibles. L’ASV veillera
en tout état de cause « à ce que les coupes éventuelles dans le Grand Site
Sainte Victoire se fassent en conservant les espaces sensibles au titre de la
protection du paysage et de la biodiversité ».
Pour ceux qui souhaiteraient prendre position pour demander
un réexamen ou un retrait du projet, une pétition a été mise en ligne sur
Change.org, un moyen efficace pour peser sur les différents responsables.
(B. de Saint-Laurent et CA ASV)