lundi 7 avril 2014

La gestion des garrigues par brûlage en question



Zone brûlée au Trou (décembre 2013)
Nos vœux de janvier 2014 faisaient état d’un incendie dans la zone du Trou sur la commune de Saint-Antonin. En fait, cet incendie était volontaire, avait été soigneusement préparé et avait reçu l’accord de la municipalité de St-Antonin. La parcelle concernée d’environ 1 hectare fait partie d’un ensemble de 921 ha de prairies et garrigues du piémont de Sainte-Victoire qui, au titre du plan de gestion Natura 2000 (Document d’objectifs, décembre 2006, à télécharger ici), doivent faire l’objet d’un «brûlage dirigé» dans un but de «maintien de l’ouverture des milieux». Contrairement aux opérations lourdes de débroussaillement mécanisé sur 400 ha de prairies facilement accessibles, cet écobuage concerne plutôt des espaces plus escarpés, en majorité sur le versant nord. Selon le plan de gestion, il doit être suivi par une activité pastorale (troupeau de moutons ou chèvres), après «définition avec le berger et un technicien pastoral des modalités d’intervention et concertation en amont sur les modalités d’intervention avec les sociétés de chasse concernées».

Des pins d'Alep jusqu'à 8 m environ
Selon le Grand Site, des opérations telles que celle du Trou sont rendues indispensables par la pression des pins d’Alep, qui colonisent tout l’espace et empêchent la biodiversité qui existe sur les espaces ouverts du piémont. Le GSSV souhaite que ces opérations puissent se poursuivre, tout en craignant que le pastoralisme nécessaire après le feu ne soit pas réellement mis en place par les communes.

Après une période d’interrogation, l’opération menée sur le Trou a suscité une certaine émotion, à différents titres :

  • Située juste sous la Croix de Provence, l’opération est assez visible depuis le Bouquet et rappelle à beaucoup de mauvais souvenirs (incendie de 89, même si c’est précisément pour éviter un nouvel incendie que le GSSV intervient) ;
  • L’opération a été menée un peu tard (le Grand Site le reconnaît), avec des arbres déjà hauts (5 à 6 m selon lui, en fait jusqu’à 8 mètres après inspection sur place, cf. photo avec une bouteille pour l’échelle);
  • Le choix de la zone est parfois contesté (juste sous la partie brûlée se situe une forêt très dense de jeunes pins, qui aurait peut-être constitué une meilleure cible) ; mais le couloir choisi est celui où les vents étaient extrêmement violents en 1989, et par conséquent constitue un futur pare-feu utile ;
  • Cette zone se situe dans la proximité immédiate du sentier jaune entre le Plan d’En-Chois (parking du Bouquet), le Trou et le hameau de Saint-Antonin, restauré non sans efforts avec le Conseil Général et les associations ;
  • Sur la zone brûlée, les chênes kermès repoussent déjà fortement et occupent presque tout l’espace, faisant douter du potentiel de biodiversité, surtout en l’absence de troupeau ;
  • Selon certains, la zone comportait au moins une espèce rare à protéger (bruyère multiflore, station la plus au nord-est en Provence et en France, point à vérifier).

Ecobuage (Prés du Bayon, 2012)
Malgré ces réserves, le Grand Site assume l’intérêt de l’opération. Une visite sur place montre qu’une cinquantaine de pins moyens (5 à 8 mètres) ont été atteints, ainsi que toutes les broussailles. Il serait bon à présent de couper ces pins et de les mettre en fascines pour éviter l’érosion de ce qui reste de sol, car la pente est assez forte. Le feu n’a pas dépassé la zone délimitée par un débroussaillement préalable sur une dizaine de mètres. Une évaluation sérieuse de ce brûlage ne pourra sans doute être réalisée qu’avec un peu de recul (au moins 2 à 3 ans), contrairement à celui effectué sans problèmes sur les prés en face de Coquille en 2012.

Zone de parefeu (efficace)
Avant de poursuivre ce type d’opérations, l’ASV souhaiterait qu’un bilan soit tiré des écobuages passés, que les experts praticiens du massif puissent être consultés, qu’un engagement ferme sur le pastoralisme nécessaire au maintien de l’ouverture du milieu soit obtenu et que ces opérations soient mieux expliquées au public. Faute de quoi, beaucoup d’incompréhensions, de fantasmes, de rumeurs peuvent survenir. Il ne s'agit pas de critiquer le Grand Site et les communes, qui ont certainement leurs raisons d’agir, mais s’il existe un Grand Site, c’est précisément parce que Sainte Victoire est un sujet sensible et que beaucoup de visiteurs ou habitants du massif ont un sentiment fort d’appropriation de « leur » Sainte-Victoire. La concertation est donc ici, plus qu’ailleurs, indispensable.

(B. de Saint-Laurent, ASV)

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