Avec une apiculture relativement développée (une vingtaine
de sites de ruches sur la seule façade sud), le massif de Sainte Victoire est
forcément concerné par le débat sur l’utilisation des pesticides pour la
viticulture. Actuellement, une vingtaine de domaines viticoles proposent des
vins biologiques ou sont en conversion sur le massif (en étendant un peu ses
frontières à la plaine de l’Arc…), selon un inventaire récent (et certainement incomplet) de l’ASV.
Selon les données du Ministère de l’Agriculture, la vigne
n’occupe que 3,7% de la surface agricole utile en France, mais consomme 20% des
pesticides, dont une majorité de fongicides. Les viticulteurs et les personnes
habitant près des vignes sont particulièrement exposés aux maladies liées à ces
produits chimiques (voir par exemple la très intéressante enquête de
Générations Futures sur ce lien).
Selon une enquête de Que Choisir datant de l’automne 2013 (La peste soit des pesticides !), il y aurait 300 fois plus de résidus de
pesticides dans le vin que dans l’eau potable. En analysant une centaine de vins issus de
différentes régions viticoles françaises, le magazine a détecté des
résidus ou traces de pesticides dans tous les échantillons, les vins de
Bordeaux remportant la palme avec des quantités totales de résidus allant de
441 μg/kg à 1682 μg/kg. Dans ce dernier cas (un vin blanc), la teneur en
résidus de pesticides est ainsi 3364 fois plus élevée que la norme appliquée
à l’eau potable (0,5 μg/kg). Selon l’analyse de Que Choisir, les vins blancs
sont plus chargés (242 μg/kg en moyenne contre 114 μg/kg pour les rouges et 95
μg/kg pour les rosés). Les vins bio ne seraient pas totalement épargnés, avec
des traces, et même parfois des résidus avérés de pesticides, probablement du
fait d’un épandage de pesticides venant de parcelles voisines. Ils sont
toutefois très nettement moins dangereux. Même si les professionnels de la
filière industrielle cherchent à rassurer, reste cette question : pourquoi
la norme admise pour l’eau potable est-elle 300 fois inférieure à ce qu’on
détecte en moyenne dans le vin? Est-ce que l’on boit 300 fois plus d’eau que
de vin ?
Bien que la part des domaines viticoles convertis au bio ne
cesse d’augmenter, ceux-ci restent encore très minoritaires (tout au plus 10%
des exploitations en 2014). Une exploitation bio n’élimine pas, bien sûr,
toutes les pulvérisations, mais en diminue nettement la fréquence (8 à 10
passages par an, contre 13 pour l’agriculture raisonnée et plus de 20 pour
l’agriculture chimiquement intensive) et surtout s’interdit d’utiliser tout
produit chimique dangereux pour la santé, comme certains perturbateurs
endocriniens (manèbe, diméthoate, etc.) ou agents potentiellement cancérigènes
(cypronazole, mancozèbe etc.). Même pour la conservation du vin, les
viticulteurs bio limitent la quantité de sulfites censés annihiler les
bactéries indésirables ou limiter l’oxydation. Le taux de soufre moyen observé
est de 57 mg/litre pour l’offre de vins du réseau Biocoop, contre 100 mg/litre
autorisés en vinification bio et 150 mg/litre en classique.
Tout le débat actuel autour d’un exploitant condamné pour
avoir refusé d’épandre un produit contesté renforce l’intérêt d’une réflexion
sur la limitation de l’agriculture « industrielle » autour du massif de Sainte
Victoire. Cela peut être un grand atout pour le pays de Sainte Victoire que
d’afficher une stratégie de conversion systématique à des méthodes de cultures
raisonnées ou biologiques.
(Bénédict de Saint-Laurent, ASV)