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dimanche 30 janvier 2022

Tag imbécile à la Croix de Provence et autres incivilités...

Des parapentistes, puis des randonneurs ou grimpeurs, ont signalé début janvier 2022 l’apparition d’un tag important sur le bâtiment qui jouxte la vigie de la Croix de Provence. Décidément… Après la floraison d’inscriptions farfelues en versant sud, découragée par l’action efficace du Grand Site, il semblerait que, pour certains, le désir d’expression « artistique » l’emporte sur le respect de l’environnement et des autres.

Rappelons la position de l’ASV en la matière : nous préférons le « rien » au « quelque chose » dans Sainte-Victoire. Le silence plutôt que le bruit (sur l’oppidum de Saint-Antonin et dans le champ du Chinois, les drones sont parfois soûlants). L’obscurité plutôt que l’éclairage nocturne (la Maison Ste-Victoire n’est quasiment plus éclairée la nuit, c’est bien, ou est-ce à cause des travaux en cours ?). L’absence de panneaux plutôt que la multiplication d’infos. Un balisage discret. L’absence de superstructure, à part quelques poubelles hélas nécessaires dans certains lieux*. L’absence d’affichage. La nature nue et brute, voilà ce que veulent les habitants et usagers du massif, dans leur grande majorité.

Au chapitre des incivilités, cette photo au Pic des Mouches d’un amateur de moto trial, sûrement fier de son exploit… La pratique des sports motorisés est interdite dans le massif. On peut signaler également dans ce registre le survol fréquent des crêtes et parfois des prairies, par des ULM - façon très efficace d'énerver les centaines ou milliers de visiteurs qui viennent chercher la tranquillité... 

(Bénédict de Saint-Laurent, St-Antonin)

* Une poubelle serait nécessaire dans chaque parking, par exemple à celui du Chinois. Avec la crise sanitaire, les fossés sont à présent ornés de petits drapeaux bleuâtres, bien accrochés par leurs élastiques…

samedi 29 janvier 2022

Une conférence passionnante sur l'aigle de Bonelli



Aigle de Bonelli (Oiseaux-europe.com)

Le Grand Site Concors-Sainte-Victoire a organisé le 7 novembre 2021 une conférence très intéressante sur les aigles de Bonelli, en particulier sur ceux qui vivent à Sainte-Victoire. Ce rapace, peu répandu dans le monde, vit autour du bassin méditerranéen (France, Espagne, Portugal, Maroc, Algérie, Tunisie, Grèce…), au Moyen-Orient et en Asie (principalement en Inde et en Indonésie). Il est particulièrement représenté en Espagne où se trouvent plus de 750 couples !

L’organisme régional qui observe et suit l’évolution de ces oiseaux est le Conservatoire d'espaces naturels Provence-Alpes-Côte d'Azur (CEN PACA). Cette association considère que les couples présents sur Sainte-Victoire sont en très bonne santé, car ils se reproduisent régulièrement chaque année, ce qui n’est pas le cas pour d’autres couples installés dans notre département. Afin de mieux les connaître, cet organisme fait procéder chaque année au baguage des petits aiglons (cf. photo), opération délicate qui a lieu entre 35 et 45 jours après l’éclosion des œufs.

À l’âge adulte cet oiseau pèse entre 1,5 et 2 kg, a une envergure d’environ 1,70 m et la femelle est en général un peu plus grande et trapue que le mâle. Ils peuvent parfois nicher dans des arbres, mais ils préfèrent le plus souvent les falaises rocheuses.

En ce qui concerne la France, le nombre de couples était de l’ordre de 80 vers les années 50, mais celui-ci a fortement chuté ensuite à cause, en particulier, du braconnage et de la chasse et il est descendu à 22 seulement en 2002 ! Des plans nationaux d’actions ont été mis en œuvre à partir de 1990 et l’espèce est à présent protégée (sa chasse est strictement interdite). Du coup, sa population est remontée lentement (la reproduction est faible et la mortalité des jeunes est très élevée). À ce jour on compte 41 couples en France, dont 17 se trouvent dans les Bouches-du-Rhône. Mais l’espèce est encore aujourd'hui classée « en danger » selon la liste rouge nationale de l'UICN et son état de conservation très précaire en fait l'un des rapaces les plus menacés de France.

Son alimentation est constituée principalement par des oiseaux (pigeons, perdrix rouges, cailles, choucas des tours, cormorans…), mais aussi par des écureuils roux, des lapins, voire parfois des gros lézards. Les aigles de Bonelli vivent en général en couple et, comme la plupart des rapaces, restent fidèles l’un à l’autre jusqu’au décès de l’un des deux. L’espérance de vie est de 25 ans environ, certains pouvant même dépasser les trente ans. Ils n’ont pour ainsi dire pas de prédateur ; il existe des cas d’aigles de Bonelli tués par des hiboux grands-ducs, mais ceci est rarissime. La période de reproduction dure de fin janvier ou février à juillet ; la ponte annuelle unique arrive en février /mars et elle est constituée en général d’un ou de deux œufs, exceptionnellement trois. Les petits peuvent s’envoler entre 55 et 65 jours après éclosion. Afin de mieux connaître leur évolution, le CEN PACA réalise chaque année le baguage des jeunes aiglons, opération délicate qui a lieu entre 35 et 45 jours après l’éclosion des œufs. Ces jeunes aiglons sont donc munis de deux bagues distinctes :

  • Baguage d'un aiglon
    une bague métallique sur laquelle est gravé un code unique; elle n’est lisible que lorsque l’on trouve l’animal mort ou blessé ;
  • une bague jaune vif fluo avec un code écrit en gros caractères noirs dessus : elle peut être visible au moyen de jumelles à plusieurs centaines de mètres lorsque l’oiseau est posé.
Quant aux aiglons de l’année, une fois qu’ils ont acquis leur autonomie, leurs parents ne s’occupent plus d’eux et ils doivent quitter leur territoire pour chercher à trouver un lieu pour s’installer avec un ou une partenaire. Leur maturité sexuelle est atteinte vers trois à quatre ans. On sait que certains d’entre eux vont passer pas mal de temps en Espagne, puis reviennent en France, notamment dans la zone d’erratisme classique de l’espèce en Crau-Camargue.

La mortalité qui touche l’espèce est très importante et peut être due à différentes causes :

  • La plus importante est l’électrocution sur des poteaux de lignes à moyenne tension ; en France, 44 % des juvéniles bagués et surveillés ont été tués par électrocution. Les solutions à ce problème sont diverses : enfouissement des lignes électriques (mais cela coûte très cher), installation de manchons en plastique isolant sur les câbles à proximité des poteaux, voire même installation d’un perchoir au-dessus de certains poteaux où peuvent se poser, en sécurité, des aigles à l’affût.
  • Il existe aussi d’autres causes : appâts empoisonnés ou pesticides agricoles ingérés par leurs proies, braconnage (des aigles de Bonelli sont parfois tués par des armes de chasse), noyade dans des réservoirs d’eau… Des facteurs divers peuvent  également nuire à la reproduction par dérangement à proximité des sites de reproduction : surfréquentation humaine, photographes indélicats, survols aériens…

Un aiglon
Deux couples d’aigles de Bonelli sont actuellement cantonnés sur la montagne Sainte-Victoire. Celle-ci est en effet un lieu privilégié pour eux : grande falaise calcaire orientée vers le sud avec de grands terrains dégagés et agricoles autour, constituant un paysage dans lequel ils peuvent trouver facilement des proies. Mais cela n’a pas toujours été le cas ! Jusqu’à la fin d la seconde guerre mondiale, Sainte-Victoire était occupée par des aigles royaux, rendant impossible l’installation d’aigles de Bonelli. Les aigles royaux sont partis et un couple d’aigles de Bonelli s’est installé à l’ouest de la montagne à partir de 1947 et s’est reproduit régulièrement chaque année. Pour une raison inconnue, ce couple a complètement changé de zone d’habitat en s’installant à l’est du massif dans le secteur de Saint-Ser. En 2009-2010, un second couple de jeunes est venu s’installer à l’ouest de la montagne.

Il a été procédé à la pose d’une petite balise GPS au moyen d’un petit harnais sur un adulte de chacun des deux couples de façon à connaître leurs déplacements et leurs territoires respectifs de chasse. Les aigles perdent ce harnais au bout de trois ans environLes relevés montrent qu’ils ont des territoires très distincts, la limite entre les deux se situant à peu près au milieu de Sainte-Victoire. Chaque couple ne vole et ne chasse que de son côté, soit à l’ouest, soit à l’est du massif ! Le territoire de chasse de ces oiseaux représente environ 100 km² et l’extrémité du domaine vital du couple situé à l’est se trouve tout près, mais en dehors, du lieu d’installation des 22 éoliennes installées récemment sur les communes d’Artigues et d’Ollières. On peut espérer qu’il n’y aura pas de dégâts physiques causés par celles-ci aux aigles (un cadavre d’aigle de Bonelli a déjà été retrouvé mort au pied d’une éolienne à Chypre, l’oiseau ayant été déchiqueté par une pale de celle-ci).

En se promenant à Sainte-Victoire, il arrive que l’on aperçoive ces magnifiques oiseaux planant dans les cieux. Lors de la période de reproduction, des panneaux indiquent l’interdiction pour les randonneurs d’emprunter certains chemins ; respectez ces consignes : elles sont impératives. En ce qui concerne les parapentistes, un des décollages situé à l’ouest de la montagne est interdit de février à août et des zones de survol dans ce secteur sont réglementées pendant toute cette période ; ceci est connu et respecté par les pilotes.

Merci au Grand Site Concors-Sainte-Victoire pour avoir organisé cette conférence qui a beaucoup intéressé les dizaines de personnes présentes. Nous avons en effet appris beaucoup de choses ce soir-là ! Pour plus d’information : http://www.aigledebonelli.fr/

(Marc Lassalle, administrateur ASV et Parapentes de Sainte-Victoire, à partir de la conférence de Matthias Magnier. Données complémentaires fournies par le CEN-PACA)