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dimanche 8 novembre 2020

Nouvelles observations sur les mouflons de Sainte-Victoire

Mouflons à manchettes en versant sud (JP. Bouquier)
Ces animaux sont souvent détectés par les grimpeurs ou les parapentistes. Une observation faite par Jean-Paul Bouquier juste avant le confinement de novembre 2020 montre que le troupeau du versant sud est plutôt en croissance, malgré les prévisions pessimistes de Bernard Comte qui, lors de la conférence ASV sur le loup, voyait dans la présence des loups une forte menace. On distingue sur la photo 22 individus, dont deux mâles et deux jeunes de l'année. Selon J.P. Bouquier, cette croissance du troupeau n’est pas très réjouissante pour les sols et la végétation au pied des parois. Le troupeau, qui vit très groupé (peut-être justement pour se défendre), laisse des traces d’érosion bien marquées.

Plusieurs questions sont fréquemment posées sur ces mouflons : d’où viennent-ils ? Depuis quand? De quoi se nourrissent-ils et où trouvent-ils à boire sur le versant sud? Comment les apercevoir sans les déranger ? Quel est l'intérêt de ces troupeaux?

L'origine de la présence de "mouflons" en France continentale remonte à près d'un siècle, quand l'Etat, nouveau propriétaire du domaine de Cadarache, créa en 1924 un parc de repeuplement de 150 hectares pour le gibier. Selon Wikipedia, "les premiers animaux furent des cerfs Sika offerts à la France par l'empereur du Japon, puis des mouflons corses en 1935, populations toujours présentes. Les premiers individus de la population de mouflons devaient être offerts en cadeau au roi Alexandre Ier de Yougoslavie lors de sa visite en France en 1934, mais celui-ci fut assassiné après avoir débarqué à Marseille. En 1935, l'État a installé l'École nationale des garde-chasses dans le château de Cadarache, sous l’impulsion du directeur des chasses présidentielles".

Mouflons dans la montagne d'Artigues (G. Cheylan)
Les lâchers de mouflons méditerranéens (Ovis musimon), en provenance essentiellement de Corse (région de Bavella) pour Cadarache, ont été poursuivis après guerre, avec une bonne acclimatation à la Provence. Selon l'Office National de la Chasse, la motivation était essentiellement cynégétique, même si certains scientifiques mettaient en avant la volonté de protéger le mouflon de Corse à partir du continent : "les artisans du développement de cette faune ont été les forestiers et des chasseurs interpellés par la disparition des grands ongulés. Le mouflon leur est apparu comme un gibier complémentaire potentiel, pouvant occuper une niche considérée alors comme vacante". Du fait de croisements avec d'autres types de mouflons (Sardaigne, Tchécoslovaquie et même réserves ou zoos), la population de ces animaux est hybride. La motivation de certains croisements semble davantage liée à l'amélioration du trophée (forme des cornes) qu'à l'adaptation au milieu… Selon Gilles Cheylan, "l'espèce est présente en Sardaigne et en Corse, où elle a été introduite au néolithique, sa répartition d'origine étant le Moyen-Orient. C'est l'ancêtre du mouton domestique, domestiqué au même endroit il y  a 10 000 ans". On trouve de ces mouflons, plus colorés et à corne très enroulée, dans l'arrière-pays, en bordure du Grand Site.

Mais le mouflon de Sainte-Victoire (Ammotragus lervia) provient visiblement d'une autre origine. Ce mouflon à manchettes est originaire d'Afrique du nord. Il est décrit dans une étude assez récente (téléchargeable sur ce lien). La seule différence marquée par rapport à cette étude tient à la taille des troupeaux, plus proche dans le massif d'une vingtaine d'individus que d'une dizaine. Dans Sainte-Victoire, selon Gilles Cheylan, "l'espèce provient sans doute de la chasse privée du Grand Sambuc, enclos clôturé de 650 ha, d'où elle se serait échappée". Pour les scientifiques, la présence de ces animaux "exotiques" n'est pas forcément souhaitable, car elle concurrence d'autres espèces et fragilise le milieu. Certains pays envisagent même une éradication. 

Les mouflons à manchettes du massif (environ 70 selon certains comptages) se sont constitués en plusieurs troupeaux sur les deux versants, avec une mortalité faible (très peu de squelettes découverts, à notre connaissance). En piémont sud, les mouflons séjournent au-dessus du tracé marron, près des éboulis ou sur les dalles arborées difficiles à atteindre (cote 600 à 800 m pour la plupart des observations). Il est probable qu'ils franchissent parfois la crête. Ils restent prudemment groupés. Certains mâles sont impressionnants.

Mouflons à manchettes en versant sud (JP. Bouquier)
Les mouflons satisfont en majeure partie leur besoin en eau par l’absorption de végétaux frais, de feuilles humidifiées par la rosée et, dans une moindre mesure, en s’abreuvant (flaques, trous d'eau). Ils n'ont pas été observés au Bayon. Ils ont également besoin de sel (qui facilite la rétention de l'eau), probablement obtenu en léchant certaines pierres (selon Vincent Varlet, une source potentielle serait le gypse que l’on trouve par endroits en pied de versant, dans le vallon du Trou par exemple, mais les mouflons descendent-ils aussi bas?). Enfin, il est souhaitable de ne pas chercher à les approcher, ni de les déranger, mais de s'en tenir (comme les parapentistes ou les grimpeurs) à une respectueuse observation à distance…

(Article rédigé par B. de Saint-Laurent, à partir d'observations de Jean-Paul Bouquier , Michel Laurent, Marc Lassalle, Vincent Varlet, tous ASV, – et corrigé par Gilles Cheylan)

4 commentaires:

  1. Pour le sel, je pense qu'ils consomment des fruits du sumac, très salé.

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  2. Certains pays envisagent même une éradication... C'était le cas de l'Espagne, qui l'avait déclarée espèce invasive mais qui, cependant, a fait marche arrière après qu'il eut été démontré que l'espèce ne concurrence pas vraiment les autres espèces d'ongulés. A plus long terme, avec le changement climatique comme horizon, la présence de cette espèce pourrait même être un atout. Cela dit en passant, des fossiles de mouflons à manchettes ont été découverts dans le sud de la France (Pléistocène inférieur de la grotte du Vallonnet), démontrant que cette espèce n'est pas si exotique que cela de ce côté-ci de la Méditerranée...

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