Alain Marmasse, adhérent et administrateur de ce qui se
nommait le CEEP (Conservatoire -Etudes des Ecosystèmes de Provence) et qui est
devenu le CEN-PACA (Conservatoire des Espaces Naturels), avait dévolu une très
large partie de ses activités, de son temps, de ses compétences, à
l'observation et l'étude des aigles de Bonelli de notre massif et d'autres sites de Provence. Passion
et patience faisaient que sa longue-vue, ses jumelles et son carnet de notes
prenaient peu de répit...
Dès l'enfance, en forêt de Fontainebleau, il s'adonnait à la
capture, puis l'observation avant de les relâcher, de petits passereaux, bouvreuils
principalement, en maniant le quatre-de-chiffre, procédé ingénieux à
l'appellation étrange. Plus tard, fin chasseur en Sologne, il devint
vétérinaire rural, en des temps où il devait actionner les freins de sa deuche
pour ne pas écraser les outardes canepetières surgissant des fossés beaucerons.
Puis, en compagnie de son épouse, études à l'Institut Pasteur.
Lors de son arrivée à Aix-en-Provence, finie la chasse :
autres temps, autres mœurs... Il monte un grand cabinet d'analyses biologiques qu'il
mène tout seul, assisté de son épouse. Analyses portant aussi bien sur les
divers animaux que les humains non moins divers. C'est lors de sa retraite
qu'il se consacre aux aigles de Bonelli dont la population française est alors
mal en point : de 80 couples à peu près en 1960, elle a dégringolé à 22 en
1990, cela étant dû à plusieurs facteurs. L'un d'eux est la trichomonose,
propagée par le trichomonas, charmant flagellé qui provoque une sorte de goitre
empêchant certains rapaces, dont les Bonelli, de déglutir. En 2009, un second couple vient nicher à Sainte-Victoire.
Grâce à un ingénieux système de proies (pigeons...) ayant ingéré une substance
médicamenteuse, puis abandonnées dans l'espace fréquenté par les aigles,
adultes et aiglons sont ainsi traités avec succès par les soins d'Alain.
Par ailleurs, les
compétences de terrain s'étant associées aux compétences scientifiques, il
participe activement sous l'égide de Gilles Cheylan aux baguages et poses de
balises télémétriques qui vont permettre un accroissement spectaculaire des
connaissances sur l'aigle de Bonelli.
Tout en étant homme de caractère, Alain Marmasse était
fondamentalement humble. Au premier abord simple comme un paysan, il
apparaissait vite comme un gentleman des falaises, un hobereau aux mœurs
frugales... qui aimait gober les œufs de ses poulettes lors des casse-croûtes
dans la nature. Egalement excellent bricoleur, toujours volontiers pédagogue
aimant à partager anecdotes et souvenirs. Diplomate aussi, lorsqu'il le fallait :
il avait ses entrées chez les grands propriétaires de la Sainte. Et ses
rapports avec grimpeurs et parapentistes, qu'il avait écoutés, et dont il avait
su se faire écouter, ont fait que ces derniers respectent à présent les zones
délicates fréquentées par les aigles, surtout en période cruciale de
reproduction.
Pas de doute qu'il aurait maugréé en parcourant ces
lignes... Mais sa silhouette longiligne durant la marche, ou courbée devant
l'objectif de sa longue-vue ou de son appareil photographique, nous manque
déjà. Et puisqu'il n'est plus là, on pouvait bien dire un peu de bien de lui !
(Alain Marmasse nous a quittés à la mi-décembre 2019. Texte
écrit par un ami Pierre Bardot)