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dimanche 2 février 2014

Centrale biomasse de Gardanne : un projet très controversé



Le méga-projet de centrale à biomasse de Gardanne soulève beaucoup d’inquiétudes en raison de ses conséquences sur la forêt régionale et d’éventuelles pollutions. Il s’agit d’une énorme chaudière de 150 MW qui remplacerait l’unité 4 de la centrale actuelle à charbon (unité de 250 MW arrêtée depuis quelques mois, car trop polluante selon la réglementation européenne). Cette centrale brûlerait les bois et résidus forestiers de toute la région au sens large (environ 800 000 tonnes de bois par an, soit 1 million de m3, ramassage sur une zone de 400 km, ce qui implique la circulation de plusieurs centaines de camions chaque jour).

Au premier abord, le projet est séduisant, puisqu’il s’agit de mieux utiliser une forêt provençale insuffisamment exploitée (peu savent que le Var, par exemple, possède la 3ème forêt de France après les Vosges et les Landes). Il crée aussi des emplois sur le site de Gardanne et permet de renforcer l’indépendance énergétique de la région (même si, pendant 10 ans, 30 à 50% du bois utilisé comme combustible viendra de destinations lointaines comme le Canada ou l’Afrique du Sud). Cet investissement contribuera en théorie à améliorer le bilan CO2 régional de 600 000 tonnes par an.

C’est pourquoi une autorisation a été donnée fin 2012 par le Ministère du Redressement Productif à l’exploitant E.ON, à la suite d’un appel d’offres biomasse plutôt envisagé au départ pour des unités plus réduites (20 à 40 MW, comme la centrale de Brignoles ou la chaufferie urbaine en projet à Aix-en-Provence). Il s’agit donc d’un coup parti, et un investissement de 230 millions d’euros est d’ores et déjà engagé sur le site.

Cependant, le projet est jugé néfaste par différents élus et associations, qui ont introduit des recours (notamment sur la faiblesse de l’enquête publique). La procédure a été très discrète et les règles d’information n’auraient pas été totalement respectées. Ce projet risque du fait de sa taille d’assécher la ressource bois (et d’élever les prix) pour les multiples petits projets bioénergies de taille plus raisonnable et pour la filière « pâte à papier » (usine de Tarascon). Il peut aussi conduire à une exploitation très intensive de la forêt, pour des raisons de rentabilité (coupes à blanc etc.). Enfin certains opposants mettent en avant le risque de pollution aux abords de la centrale, notamment si des bois traités, mélaminés ou déchets du BTP sont brûlés (écoles et habitat dans la proximité immédiate du site). Bref, le projet est parfois dénoncé comme un « grand incinérateur caché ».

Pour E.ON, il s’agit, pour ce qui concerne la région, d’utiliser surtout les résidus de débroussaillage, ce qui serait donc plutôt utile. A terme, des parcelles à croissance rapide seraient consacrées à la production de bois combustible, par exemple dans les délaissés de la Durance. Pour ce qui concerne les végétaux venant du débroussaillement et de l’entretien des forêts (quelques m3 par hectare), la mobilisation sera plus difficile et plus coûteuse. De plus, en Provence, il est important de restituer au sol ce qui a pu y pousser et donc de laisser sur place, dans les espaces débroussaillés, les résidus de broyage. Cela aide à constituer un humus, presque toujours insuffisant dans nos climats.

Pour aider les visiteurs de ce site à se faire une idée sur le pour et le contre du projet, plusieurs documents sont téléchargeables : annonce de l’électricien E.ON, dossier de presse sommaire, position critique des maires du Parc Naturel du Lubéron, appel des forestiers des départements alpins de PACA, point de vue des riverains de la centrale, enfin recours de différentes associations dont France-Nature-Environnement et les Amis de la Terre.

Lors de son CA du 21 janvier, l’ASV a adopté une position prudente, en souhaitant rassembler davantage d’éléments objectifs (création nette d’emplois, études d’impact liées au paysage, à la biodiversité, au trafic et à la pollution, bilan carbone), actuellement non disponibles. L’ASV veillera en tout état de cause « à ce que les coupes éventuelles dans le Grand Site Sainte Victoire se fassent en conservant les espaces sensibles au titre de la protection du paysage et de la biodiversité ».

Pour ceux qui souhaiteraient prendre position pour demander un réexamen ou un retrait du projet, une pétition a été mise en ligne sur Change.org, un moyen efficace pour peser sur les différents responsables.

(B. de Saint-Laurent et CA ASV)

4 commentaires:

  1. Message d'un syndicat de l'ONF

    Lettre ouverte aux personnels de l’Office National des Forêts

    Forestières, forestiers,

    Le SNUPFEN-Solidaires tient à attirer votre attention sur la problématique du bois énergie. Nous souhaitons que ce débat soit ouvert au sein de notre établissement.
    Notre DT est concernée par deux projets de centrale électrique à biomasse :
    - E.on à Gardanne
    - INOVA à Brignoles.

    Nous estimons que ces projets sont nocifs pour l’environnement et la structuration de la filière bois. Nous ne pouvons que dénoncer cette gabegie, qui fera basculer une des principales ressources de matière et d’énergie renouvelable dans un système d’exploitation à bilan carbone négatif. Cela va à l’encontre même de nos principes affichés de gestion durable des forêts.

    Les projets d’E.on et d’INOVA s’inscrivent dans l’appel d’offres national "Commission de Régulation de l’Energie" (CRE4). L’objectif initial visait au respect des engagements de la France sur la part d’énergie renouvelable dans la production nationale d’électricité. Dans le cas d’E.on, cela correspond également à la reconversion d’une centrale à charbon, avec dans la balance le maintien de 70 emplois menacés sur le site.

    Les projets d’E.on et INOVA sortent du champ initial de l'appel d'offre de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE). Des dérogations taillées sur mesure ont permis à ces projets de voir le jour. Rappelons que l’appel d’offre initial exigeait des unités fonctionnant en cogénération avec des rendements obligatoires de 60 % minimum. La cogénération allie à la fois la production d’électricité et de chaleur, ce qui permet d’atteindre des rendements énergétiques entre 70 et 80 %. Les projets d’E.on et INOVA produiront seulement de l’électricité. Les rendements ne dépasseront pas les 40 % au grand maximum. Quand il y sera brûlé 10 m3, 6 m3 serviront à chauffer les étoiles. Et on ne parle ici que du rendement brut de la centrale, hors les dépenses énergétiques d'exploitation, transport, transformation… E.on et INOVA, dans leur communication, affichent bien de la possibilité de raccordement à un réseau de chaleur, mais cela restera très anecdotique, juste de l'enfumage. La logique est la même que celle de l’électricité, si la production est centralisée, il faut la transporter. La ressource biomasse, de part son étalement géographique, doit forcément induire une production décentralisée.

    E.on table sur 855 000 tonnes/an de biomasse. Celle-ci se déclinerait de la manière suivante, en 2016 :
    - 124 000 t/an de déchets verts
    - 311 000 t/an de ressource forestière locale (400 km autour de Gardanne)
    - 335 000 t/an de biomasse importée (Canada vraisemblablement)
    - 85 000 t/an de bois de rebus (classe A + B)
    - 135 000 t/an de combustibles fossiles (charbon)

    E.on prévoit qu'ensuite la part importée diminuera progressivement jusqu’à son extinction en 2025, au profit de l’augmentation de la mobilisation des déchets verts (urbains, entretiens de bord de rivières, DFCI : 325 000 tonnes) du bois de rebut (80 000 tonnes) et bien sûr du bois issu d'opérations sylvicoles pour 445 000 tonnes. Avec un rayon d’approvisionnement de 400 km, le terme local paraît nettement galvaudé. Pour une ordre de grandeur, les 90 chaufferies de toutes tailles des Hautes Alpes ont consommé 12 000 tonnes en 2013, l'objectif 2015 de ce département est à 20 000 tonnes, celui de PACA à 100 000 en 2020.

    Il faut aussi souligner que cette centrale à biomasse brûlera continuellement du charbon alors que la précédente centrale à charbon ne fonctionnait qu’en période de forte demande électrique. Le plan d’approvisionnement prévoit le recours de bois de rebus de classe B2 (meuble et bois de construction avec colle, vernis et peinture). Cela soulève des interrogations sur la pollution induite par ce procédé.

    Le cas d’INOVA est seulement différent par un volume moindre, 170 000 t/an, le rayon d’approvisionnement devant rester au niveau du département.
    (suite sur commentaire 2)

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  2. (suite)
    Le scandale reste entier sur le gaspillage de la ressource vis à vis des rendements de ces deux projets sans cogénération.

    L’impact économique de ce type de projet n’est pas neutre non plus. L’appétit démesuré d'E.on pourrait bien assécher l’approvisionnement des chaufferies locales et d’unités industrielles déjà existantes. Et les 60% gaspillés du fait du rendement médiocre d'E.on représenteraient chaque année la consommation potentielle de 13 années de consommation des Hautes Alpes ! (en se basant sur les chiffres fournis par E.on pour la partie issue directement de la forêt et les consommations connues).

    Ces projets vont bénéficier d’un tarif de rachat de l’électricité garanti sur 20 ans. Pour le seul projet d’E.on, la facture devrait dépasser le milliard d’euros. Voilà une somme qui permettrait le financement du développement des filières courtes à haut rendement et l’installation d’unité de transformation valorisant les gros bois d’œuvre, dont le désamour actuel ne sera pas sans conséquence sur la structuration de nos forêts et au final sur la biodiversité que représente les vieux peuplements.

    Vu les montants annoncés, l’argument de la préservation des 70 emplois est difficile à avaler. Car quiconque disposerait d’un milliard avec pour objectif de créer des emplois pourrait raisonnablement placer le curseur un peu plus haut.

    Nombre d'études et d'avis d'experts, dont à son heure notre président du conseil d'administration, M. Jean-Yves CAULLET (cf : http://www.developpement-durable.gouv.fr/Le-rapport-de-Jean-Yves-Caullet.html), font la promotion des filières courtes en opposition aux projets à rayon d'approvisionnement trop élevé. De l'avis même des industriels, les approvisionnements à plus de 100 km font basculer le bilan carbone dans le rouge et cela même pour des projets de cogénération. (cf. :http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i1169.asp).

    Au regard des engagements de la DT Méditerranée, soit 15 000 t pour E.on (Gardanne) et 20 000 t pour INOVA (Brignoles), l'ONF paraît ne pas sombrer dans la démesure, bien qu'il soit difficile d'en juger sans avoir en main les plans d'approvisionnement élaborés par la direction bois. Toutefois, les volumes attribués à ces projets ne pourront plus alimenter le développement de la filière courte bois énergie ou de nouveaux projets de bois d’oeuvre. Le jour où nous finirons bien par admettre que des matières comme le plastique ou l’aluminium sont des poisons pour l’environnement, le bois retrouvera la place qui lui est due dans notre vie quotidienne.

    Rappelons aussi que le premier amendement à la loi agricole et forestière proposé par le SNUPFEN ( en pièce jointe) demandait l'avis d'un Conseil Supérieur de la Forêt. Une façon de contrôler la superposition actuelle des bassins d'approvisionnement : pour ne parler des plus grandes installations ou projets, ceux d'E.on, d'INOVA ou de TEMBEC à Tarascon sont bien les mêmes.

    Un autre point nous semble important : qu'en sera-t-il dans la gestion des rémanents sur les coupes en bloc et sur pied ? Un récent rapport de la commission d'enquête parlementaire sur la question base ses calculs de perspectives de potentiel de récolte de bois sur l'accroissement total de la forêt. L'ADEME a pourtant bien cadré le débat en la matière. Sur les stations les plus pauvres avec risque d'érosion, la récolte des rémanents ne doit pas être envisagée. Les forêts des Zones Approvisionnement Prioritaire du projet d'E.on et INOVA sont certainement pour une partie non négligeable dans ce cas de figure. Nous appelons à la vigilance sur la gestion des rémanents et l'impact qu'il en découle sur l'érosion physique et l'appauvrissement chimique de ces sols. Actuellement les expériences entreprises pour les récoltes des rémanents sur coupe font état de la non rentabilité du projet. Mais demain, si les tensions prévisibles autour de cette ressource font grimper les prix, la donne pourrait bien changer.
    (suite sur commentaire 3)

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  3. (suite)
    Dans le rapport d’enquête de la commission parlementaire, il y a un passage qui n’est pas neutre. Il y est fait mention d’une possible évolution des préconisations de l’ADEME sur le sujet sous réserve d’études complémentaires.

    Le problème n’est pas uniquement celui de la quantité disponible de bois en forêt mais bien celui du gaspillage de cette ressource. Le respect des possibilités volumes des aménagements n’est pas une caution de gestion durable des espaces naturels. Là, nous considérons la fonction de production de ces espaces, et bien entendu ce n’est pas la seule ni forcément la plus importante. Pour que cette fonction mérite la qualification de gestion durable, c’est bien l’ensemble de la filière qui doit être étudiée. Avec le développement de la filière bois énergie, nous trouvons face à une problématique nouvelle. M. CAULLET dans le rapport cité a bien analysé la question. Il prévoyait que le code forestier ne serait peut-être pas à même de réguler ce nouvel usage de la forêt. Force est de constater qu’il avait raison. L’Etat propriétaire et l’ONF gestionnaire, chantres de la gestion durable sur papier glacé, ont l’occasion de mettre en pratique et de donner du sens à des mots qui, mis à toutes les sauces, perdent de leur saveur. Communiquer au sujet de la gestion durable, peut-être, mais la mettre en œuvre, c’est beaucoup mieux.

    Pendant 10 ans, il est prévu d’importer entre 325 000 t et 150 000 t/an de biomasse (Canada, Ukraine,...), le temps que la filière local se structure. Quel contrôle sur la provenance de ces plaquettes ? Quel impact ce type de marché pourrait avoir sur les forêts tropicales et équatoriales ? Ne risque-t-on pas comme au Brésil de voir des forêts primaires remplacées par des plantations d’eucalyptus ? Ce type de développement industriel, où le discernement s’arrête au business plan, va peser sur les espaces naturels du monde entier. Avec des échanges transcontinentaux, ça commence bien. D’ailleurs, il suffit simplement de constater l’absence de bilan carbone dans l’élaboration du projet E.on. Quant on pense que le groupe Eon va certainement récupérer des crédits carbones avec cette ineptie, cela fait « chaud » dans le dos et « froid » au coeur.

    L’ONF peut toujours prétendre n’être qu’un simple fournisseur de matière première, sans regard sur le devenir de celle-ci. Nous n’hésitons pas pourtant à nous positionner sur le marché du bois énergie (ONF bois énergie) et à prendre des participations dans les recherches sur l’élaboration de biocarburant de seconde génération.

    Le SNUPFEN-Solidaires met en avant la meilleure utilisation possible du bois d’œuvre permettant à la fois au bois d’assurer pleinement sa fonction de puits de carbone et d’optimiser la création d’emploi autour de cette ressource : 300 m3 de bois d’œuvre ou 2000 m3 de bois énergie crée 1 emploi . Sur ce point nous rejoignons le rapport CAULLET mettant en avant la notion de hiérarchisation des utilisations du bois : le bois œuvre en tête, puis le bois d’industrie et en dernier le bois énergie.

    Le SNUPFEN-Solidaires s'est déjà plusieurs fois exprimé sur la question du bois énergie. Pour une information plus complète de nos positions sur le sujet, vous trouverez, en pièce jointe, une synthèse documentaire de 2009, "Le bois énergie, enjeux, perspectives et risques". Signalons enfin que nous avons décidé de nous engager au sein des collectifs SOS forêt qui se créent dans les départements, Alpes de Haute Provence et Hautes Alpes à ce jour. Nous appelons toutes et tous les collègues à se rapprocher des collectifs existants ou à prendre part à la création de nouveaux.
    (suite sur commentaire 4)

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  4. Une pétition contre le projet d’E.on est en ligne sur le lien http://sosforets04.wordpress.com. Nous vous rappelons qu’un collectif regroupe l’ensemble des opinions et des arguments des associations qui le compose. Le respect de ces expressions, même si elles peuvent parfois paraître caricaturales sur les questions de technique forestière, est un préalable à la considération de la forêt par nos concitoyens. Avant de juger qui que se soit, il est temps pour nous de balayer devant notre porte qui s’est ouverte à des projets peu recommandables.

    Ce projet gaspillera 67% de l'énergie issue de la combustion du bois pour chauffer l'atmosphère !

    http://www.change.org/fr/p%C3%A9titions/philippe-martin-nous-vous-demandons-de-retirer-l-autorisation-d-exploitation-donn%C3%A9e-%C3%A0-e-on-pour-le-projet-n%C3%A9faste-et-dispendieux-de-centrale-%C3%A0-biomasse-de-gardanne-bouches-du-rh%C3%B4ne

    Et merci de faire suivre à vos contacts ......

    SNUPFEN -Solidaires de la Direction Territoriale Méditerranée, le 17 janvier 2014

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